Les leçons inaugurales du Collège de France

Architecture : figures du monde, figures du temps
Résumé :
« Cherchant à dire ce qu’est l’architecture, ce qu’elle transforme, cherchant à cerner quel est le territoire de la pensée qu’elle soulève, je voudrais évoquer tout ce vaste champ qui nous est accessible et s’ouvre à notre regard sur la surface de la terre… Là où nous sommes apparus, là où nous marchons, respirons et oeuvrons. Ce champ qui nous rend visibles toutes choses, celles qui étaient déjà là et celles que nous produisons, nos habitats, nos objets, nos millions d’objets disséminés sur les plaines, au milieu des arbres et des fleuves. Tout cet espace que nous modelons sans cesse, ce milieu transformé, produit par l’homme sur la planète, est un artefact, un double artificiel de la nature. Et il nous échappe de plus en plus. Et c’est un révélateur du monde, honnête, implacable même, qu’il faut savoir regarder. Pour moi, c’est bien cette production, ce dialogue incessant de l’homme avec son milieu qui définirait notre intérêt pour l’architecture (…) En ouvrant une chaire de création artistique, le Collège de France semble élargir sa vocation et investir un territoire de la pensée qui a priori ne lui est pas habituel. Les disciplines de l’histoire de l’art et de l’iconographie ont bien défini leur objet et leur méthode ; mais, en nous intéressant aujourd’hui à la création même de l’art, et ici de l’architecture, nous passons de l’autre côté du miroir que nous tendent la science et ses analyses. Nous entrons dans une autre finalité. L’engagement dans la production caractérise l’architecture et la distingue de la science. Mais c’est avant tout notre relation à la vérité qui est fondamentalement différente dans l’un et l’autre cas. Il n’y a pas une seule vérité en art, et cette phrase semble une provocation tant elle contredit l’idée de vérité.(…)
Réfléchir à ce que nous apprend l’architecture aujourd’hui, dans ses effets et dans sa production, est saisissant et édifiant. C’est une figure du monde.
« Je voudrais ne jamais cesser d’être étonné en voyant une locomotive », disait Guillaume Apollinaire. (…) »

Architecture : figures du monde, figures du temps, Leçons inaugurales au Collège de France, Collège de France/Fayard, Paris, 2007
« Je suis étonné que dans le monde d’aujourd’hui l’idée même d’architecture survive. Les plans d’une grande part de ce qui se construit dans le monde depuis cinquante ans sont faits par des bureaux techniques où il n’y a pas à proprement parler d’architecte, au sens de celui qui se porte responsable devant la collectivité et l’esprit du temps. Une architecture est une petite utopie qui s’est réalisée, un morceau de futur qui est advenu aujourd’hui, à une époque où il n’y a pas de doctrine qui donne forme au temps. »
Christian de Portzamparc
Parution : 07/06/2006